samedi 11 septembre 2010

Saidchomsky dégonfle la baudruche Soral

Lundi 31 mai 2010. Alain Soral, assis sur son canapé, attend impatiemment de voir apparaître dans sa petite lucarne Noam Chomsky. Il a déjà en tête le papier assassin qu’il publiera deux semaines plus tard, dans sa brochurette Flash, à la seule fin de séduire un peu plus son petit groupuscule de groupies frustrées, obnubilées par Israël et les juifs. En quelques lignes, il le sait déjà, il réglera son compte à Chomsky, comme il l’a fait par le passé avec Bourdieu, Arendt ou Castoriadis. Lorsque la voix de Frédéric Taddeï se fait entendre, le cœur de l’ « intellectuel français dissident » s’emballe, le stylo à la main l’ex-dragueur frénétique est prêt à cracher son encre vénéneuse…

Jeudi 17 juin 2010. Le Bloc-notes sur Noam Chomsky est enfin publié (http://www.egaliteetreconciliation.fr/Bloc-notes-No42-3608.html). Pas de doute, le boxeur Alain Soral est une bonne plume, son style est incisif, chaque mot qu’il assène vise à mettre K.O. son adversaire. Mais le tout manque de panache, l’ancien mannequin (sic) de Jean-Paul Gaultier multipliant les coups en-dessous de la ceinture. Tout comme la bien triste pisse-copie de Rivarol, Donatella Maï, une semaine plus tôt, Alain Soral veut en finir avec Noam Chomsky, et pour cela, tous les moyens sont bons.

Noam Chomsky le Frivole et Alain Soral le Sérieux

Alain Soral semble croire que les médias ont activement promu le passage de Chomsky à Paris et reprend à bon compte la formule du New York Times sur « le plus grand intellectuel du monde », ce qui lui permet d’en faire une vulgaire star médiatique, pur produit de l’industrie du spectacle, une sorte de Mick Jagger de la pensée. Il nie donc sans vergogne la réalité du traitement médiatique réservé à Noam Chomsky à cette occasion (un seul passage radio, un seul passage télévisé, des journaux majoritairement silencieux ou très critiques) mais aussi l’hostilité générale de la caste culturo-médiatique française depuis trente ans. Cette contorsion du réel a pour fonction d’imposer au lecteur l’implicite sophisme, éculé mais redoutablement efficace : « les médias promeuvent toujours le frivole au détriment du sérieux, Chomsky est promu par les médias, donc l’œuvre et la pensée de Chomsky sont frivoles ». A défaut d’être sérieux, Alain Soral démontre au moins qu’il a lu Aristote.

Voici ensuite Jacques Derrida et René Girard convoqués en appui de la charge soralienne. Jacques Derrida n’aurait été qu’un « charlatan » brassant du « vent », et ce serait uniquement « l’industrie de la réclame » qui lui aurait permis d’obtenir une reconnaissance universitaire et mondiale. Tandis que dans le même temps, René Girard, « penseur chrétien » et artisan méticuleux, offrait un travail sérieux, une « œuvre », qui ne rencontra pas le même succès, le même enthousiasme. Cette opposition artificielle a pour fonction de renvoyer le lecteur à celle que Soral établit entre lui-même, « penseur national, régional, bouseux… » et l’intellectuel américain, « immense esprit cosmopolite ». Comprendre : là où Alain Soral élaborerait « patiemment » une œuvre depuis 1976 (il serait « agitateur » depuis cette année précise – alors qu’il ne publie des essais qu’à partir de 1996), Noam Chomsky, en soixante ans d’activités intellectuelles, n’aurait joué que de la trompette.

Acmé de ce préambule, le jugement définitif porté par Soral, sur la base de l’émission de quarante minutes de Frédéric Taddeï : Chomsky est « un tout petit intellectuel de gauche – sorte de Sartre américain racontant toujours les mêmes platitudes anticolonialistes cinquante ans après qu’elles aient perdu toute pertinence pour comprendre les conflits actuels, notamment en Palestine – un tout petit joueur, un tricheur et même un menteur sur tous les sujets abordés ce soir là ». Petit joueur, tricheur et menteur donc, c’est-à-dire quelqu’un qui trompe sciemment, un manipulateur. Ni plus ni moins !

Noam Chomsky n’est pas un linguiste

Car, selon Alain Soral, le prestige de Chomsky ne tient qu’en deux points : « une certaine autopromotion communautaire » et la linguistique.

L’« autopromotion communautaire » : comprendre que c’est à la communauté juive (américaine, russe ou mondiale, c’est au choix) que Chomsky doit en (grande) partie sa notoriété, en raison sans doute d’une certaine solidarité tribale, ethno-tribale ou ethnico-religieuse. Affirmation gratuite et douteuse : le sérieux de Soral à l’œuvre !

La linguistique : Noam Chomsky n’est pas linguiste, c’est André Martinet, linguiste fonctionnaliste, et donc « adversaire » et farouche critique de la linguistique générative, qui l’aurait soufflé à Alain Soral en 1980 lors d’une discussion privée. Les initiés connaissent l’histoire de l’article écrit par Chomsky dans les années 50 et refusé par Martinet du temps où celui-ci dirigeait la revue Word aux Etats-Unis. Ils savent aussi la dureté des critiques que le linguiste français portait à l’endroit de son homologue américain (mais aussi d’Emile Benveniste). Les profanes seront quant à eux séduits par l’anecdote rapportée par Soral : outre qu’elle présente l’avantage de ne jamais pouvoir être réfutée par M. Martinet, elle laisse en effet croire que le sieur Soral, alors âgé de vingt-deux ans et n’ayant sans doute pas de connaissances en linguistique sérieuses à cette époque (les a-t-il seulement aujourd’hui ?), cette anecdote laisse donc penser que le sieur Soral discutait d’égal à égal avec André Martinet. Ce qui ne peut que profiter à l’image, à la légende soralienne. Mais même en admettant que l’anecdote soit vraie, en quoi l’avis de M. Martinet devrait-il primer sur la réalité objective, à savoir que l’ensemble de la communauté des linguistes admet que Noam Chomsky a incontestablement marqué l’histoire de cette discipline, et ce « quoi qu’on pense du sujet » ?

Revenons à l’autopromotion communautaire et appliquons cette logique à son concepteur Alain Soral: en 1980, souffrant d’une « grande solitude affective », Soral est « recueilli » par Henriette Walter et son époux, et profitant de leur bienfaisance, entre à l’EHESS (où enseigne Mme Walter, aux côtés de M. Martinet, depuis une dizaine d’années). Avec le fils Walter, Eric, alias Hector Obalk, il travaille durant trois ans sur un livre dont le sujet est la mode, livre publié en 1984 et en grande partie le fruit du travail des Walter. Ce livre lance véritablement Alain Soral, professionnellement et financièrement. Or, c’est un livre écrit en famille, une famille bien placée, la famille Walter sur laquelle vient se greffer le jeune Soral: doit-on y voir la manifestation d’un certain népotisme ou d’une certaine solidarité communautaire (la communauté familiale élargie) ? Et le crédit aveugle accordé à l’assertion d’André Martinet, d’origine savoyarde, disciple de Ferdinand Saussure, suisse, doit-il être considéré comme la manifestation évidente d’une certaine solidarité ethnique et nationale de la part de maître Soral, d’origine savoyarde et citoyen suisse ?

Noam Chomsky hors de son domaine de compétence

Alain Soral ne croit donc pas que Noam Chomsky est véritablement un linguiste mais il est toutefois disposé à admettre cette possibilité. Cette concession, il l’a fait pour mieux avancer son argument suivant : si Noam Chomsky est linguiste, il n’est en conséquence pas compétent pour parler politique internationale ou philosophie politique. Soral pose la question : « en quoi la linguistique autorise-t-elle l’expertise idéologique et politique ? » Et il donne la réponse : « En rien. » Nous demandons à notre tour à M. Soral: « en quoi le fait d’être dépourvu du baccalauréat et de diplômes universitaires, en quoi le fait d’avoir fait les Beaux-Arts et commis des livres sur la mode et la drague vous autorise-t-il l’expertise idéologique, politique et sociale dont vous nous abreuvez depuis une dizaine d’années ? » A suivre cette logique, on serait tenté de répondre « En rien ». Mais nous croyons, comme Alain de Benoist, que ce qui compte c’est avant tout de se situer du côté de la vérité (et non à droite ou à gauche), donc de l’honnêteté intellectuelle. Honnêteté intellectuelle qui devrait conduire à reconnaître que, non seulement Noam Chomsky ne nous « abreuve » pas « depuis les années 60, de sa critique gauchiste de la politique étrangère américaine et des mass-médias » puisqu’il n’est régulièrement publié en France que depuis la fin des années 90, mais qu’en outre il importe peu que l’intellectuel soit « gauchiste » (on connaît l’aversion de Soral pour cette catégorie), « anarchiste », professeur d’hébreu dans sa jeunesse, d’origine russe ou encore « le plus grand intellectuel du monde », autant d’étiquettes souvent réductrices et reprises par les médias, et Soral, et qui ne traduisent absolument pas la complexité du personnage. Ce qui compte, c’est donc bien d’analyser ses écrits et ses discours : à défaut de parler des premiers, le penseur franco-suisse parle de l’entretien avec Frédéric Taddeï. Mais que dit-il ?

Sur le rôle des médias dans le consentement des masses

Alain Soral semble reprocher à Noam Chomsky ses travaux sur la « fabrication du consentement » dont le succès éclipserait de manière scandaleuse les écrits fondateurs d’un Edward Bernays ou de George Orwell. Or, si les médias se réfèrent plus - dans une mesure toute relative – au premier qu’aux deux autres, est-ce la faute du linguiste ? Et est-il responsable de cette sacralisation (pas toujours bien intentionnée) qui fait de lui « le plus grand intellectuel du monde » ? Rappelons tout de même que dans La Fabrication du consentement, Chomsky et Edward Herman ne cachent pas ce qu’ils doivent au penseur britannique et au publicitaire : Soral le saurait s’il n’avait pas lu que la couverture du livre ! Procès d’intention donc qui n’honore pas celui qui a tellement emprunté (doux euphémisme) à Michel Clouscard, Christopher Lasch, Philippe Muray ou Lucien Goldmann.

Sur la violence israélienne

La politique du pire de l’Etat d’Israël serait liée, selon lui, à la lecture de l’Ancien Testament : interprétation culturaliste qui n’a rien à envier à la fumeuse théorie du « choc des civilisations ». Interprétation qui crédite le judaïsme d’une essence fondamentalement violente et haineuse et qui occulte les complexités historiques et politiques ayant conduit cette région à la situation actuelle. Où comment substituer à une conception matérialiste de l’Histoire une interprétation théologico-culturelle vaseuse (rappelons qu’Alain Soral se réclame du marxisme orthodoxe de György Lukacs, quelle ironie !). Quel penseur, aujourd’hui, d’Alain de Benoist à Emmanuel Todd, de Norman Finkelstein à Jean-Claude Michéa, d’Aymeric Chauprade à John Mearsheimer, pour ne citer que ceux susceptibles de trouver grâce aux yeux de l’ « intellectuel dissident français », quel penseur soutiendrait sérieusement une telle analyse ?

Quant à l’Etat d’Israël, Etat jeune, nous sommes d’accord pour dire que dans sa forme actuelle (non définitive) il s’agit d’un « Etat théologico-racial ». En revanche, nous sommes étonnés de l’interprétation soralienne, simpliste et fallacieuse mais à la mode, des conditions de sa naissance, à savoir une naissance dans « le mensonge et le vol ». Donc illégitime. Et si illégitime, alors…

Nous sommes étonnés parce qu’Alain Soral ne parle jamais de mensonge et de vol lorsqu’il s’agit de la conquête de l’Algérie ou d’une partie du monde par l’Etat français, il ne parle jamais d’ « illégitimité » de l’Empire français, il préfère toujours rappeler que la colonisation est un processus historique plurimillénaire qui a concerné tous les peuples, tour à tour colonisés et colonisateurs. Analyse de bon sens qu’il n’applique jamais à la colonisation israélienne, soit deux poids deux mesures. Et, lorsqu’il considère qu’une Algérie française accordant la pleine citoyenneté à sa population indigène était la meilleure solution (selon lui celle de Jean-Marie Le Pen à l’époque) pour la France et les Algériens au bout de 130 ans de colonialisme, est-ce à dire qu’il admet que l’Etat d’Israël, après 60 ans de colonialisme, sera légitime dès qu’il accordera la pleine citoyenneté à l’ensemble des populations vivant à l’intérieur des ses frontières actuelles ?

Question subsidiaire : pourquoi la violence israélienne puiserait-elle nécessairement ses sources dans l’Ancien Testament alors que, pour Soral, il est hors de question de suggérer que la violence coloniale française se soit inspirée d’une certaine conception des Lumières, de la Bible ou de l’héritage chrétien ?

Israël, c’est l’Amérique !

Alain Soral semble vouloir confirmer qu’il a bien un « petit niveau de penseur (…) bouseux ». Il chicane Noam Chomsky sur l’emploi du terme Amérique : en fait d’Amérique, l’"Américain" (notez les guillemets ajoutés par Soral) s’en prendrait au peuple des Etats-Unis, les yankees et les rednecks (notez la finesse de ces appellations insultantes, jamais employées par Chomsky mais bien par Soral), qu’il tiendrait responsable du soutien à Israël, dédouanant au passage les dirigeants américains (entendre : américano-sionistes) et les dirigeants israéliens (entendre judéo-sionistes) de toute responsabilité dans la situation actuelle. Alain Soral démontre en quelques lignes qu’il n’a jamais lu Chomsky, qu’il manque de clairvoyance et fait preuve d’un certain délire interprétatif.

Tout comme Emmanuel Todd écrivant dans Après l’empire que « les textes de Noam Chomsky [ne recèlent] aucune conscience de l’évolution du monde » et que cet intellectuel est « un de ces antiaméricains structurels » dont « le rapport au réel et au temps […] est celui des horloges arrêtées qui sont quand même à l’heure deux fois par jour. » Faisons joyeusement remarquer à notre cher démographe fâché avec les mathématiques que, deux fois par jour, c’est excellent si l’on admet qu’une montre fonctionnant normalement, ne pouvant par définition jamais être absolument à l’heure (même s’il s’agit de la montre atomique actuelle la plus précise), on est forcé de conclure que « plus une montre est précise, plus de temps passe avant qu’elle donne de nouveau l’heure exacte ». « Ainsi, une montre beaucoup plus précise, qui ne perd qu’une seconde par jour, ne donne l’heure juste qu’environ tous les 118 ans » (Paolo Gangemi, Salades de mathématiques, First editions, 2010). Le tout étant de savoir si nos belles pendules soralienne et toddesque préfèrent être arrêtées (donc deux fois à l’heure tous les jours) ou obligatoirement en retard (donc une fois à l’heure tous les cent-sept ans). On leur suggérerait volontiers la première option !

Sur la colonisation française

Alors que Noam Chomsky est sommé de faire plus clairement la distinction entre les dirigeants américains et le peuple américain, Alain Soral nie totalement la possibilité « d’un autre Israël [entendre : d’un peuple israélien] démocratique et laïque » Où quand la logique est sacrifiée sur l’autel de la partialité. Mais jusqu’où va-t-il descendre ?

Jusqu’à la colonisation française. Et là, il nous sert une énième fois « le paralogisme de l’homme de paille » : pour convaincre que sa culture historique surpasse celle de Noam Chomsky, Alain Soral expose et caricature l’argumentaire de son adversaire (au sujet d’Haïti et de ses liens avec la France) jusqu’à produire un argumentaire nouveau qui n’a plus rien de chomskyen mais tout de soralien. Il crée ainsi les conditions qui lui permettront ensuite de détruire, sans trop d’effort, l’argumentaire initial de Noam Chomsky. L’honnêteté intellectuelle nécessiterait que Soral « [présente] les idées [qu’il conteste] sous leur jour le plus favorable ». Car, « les victoires remportées dans un débat [différé, et contre un adversaire absent] perdent de leur valeur et de leur importance proportionnellement au non-respect de ce principe fondamental » (Normand Baillargeon, Petit cours d’autodéfense intellectuelle, Lux éditeur, 2005).

Alors, bien sûr, il peut appeler à la rescousse Jacques Marseille et Bernard Lugan dont les travaux sont importants et à lire, mais on voit mal en quoi ils servent à comprendre la spécificité de l’histoire d’Haïti. Or, c’est bien d’Haïti dont Chomsky parle : il lie la très grande misère économique actuelle du pays aux conditions réelles de son indépendance nationale au XIXe siècle, à savoir la très lourde dette financière imposée en 1825 par la France, dette qu’Haïti n’arrivera jamais à rembourser et qui l’enfermera dans un endettement international mortifère. En sus, l’impérialisme belliqueux américain achèvera de plonger le pays dans la misère économique. Il n’y a donc pas d’ « approximations gauchistes » chez Noam Chomsky mais plutôt, chez Alain Soral, la fâcheuse tendance à voir dans tout éclairage du passé un appel à la « repentance ».

Questions subsidiaires : la société israélienne actuelle, dont l’historienne Idith Zertal a bien montré dans La nation et la mort - ouvrage connu en France grâce, entre autres, au « gauchiste » Daniel Mermet et à… Dieudonné ( !) - qu’elle avait majoritairement rompu avec la mémoire officielle des premiers colons, cette société israélienne doit-elle faire repentance et s’apprêter à payer des réparations dont on n’ose imaginer le coût, parce que certains remettent en cause la légitimité de l’Etat d’Israël qu’ils estiment « fondé sur le mensonge et le vol » ? Ou encore, et pour suivre le cynisme et la logique tortueuse de M. Soral, pourquoi donc considérer les Palestiniens comme victimes et les Israéliens comme coupables alors que ces « qualités » sont refusées aux Haïtiens et aux Français ? Les principes ne s’appliquent-ils que dans un sens?

Sur le professeur Faurisson et le 11 septembre

Contentons-nous de renvoyer Alain Soral au texte de Pierre Guillaume, En finir avec Chomsky, qui salue le courage et la constance de l’intellectuel américain pour sa prise de position en faveur de la liberté d’expression pour les négationnistes, et sa défense continue de ce principe selon une conception typiquement anglo-saxonne. Le récent soutien apporté à la pétition en faveur d’une libération de Vincent Reynouard confirme, sans doute possible, les dispositions de Noam Chomsky. Lier Noam Chomsky au texte d’Amédéo Bordiga est donc une pure invention soralienne qui occulte le contexte réel décrit par un des acteurs majeurs de cette « affaire » : Pierre Guillaume.

Cette affabulation permet à l’ex-mannequin et donneur de leçon de railler le manque de courage de l’intellectuel américain. Etonnant manque de courage qui amena cet Américain à rencontrer les dirigeants des Etats classés « voyous » par les Etats-Unis, Fidel Castro et Hugo Chavez, à rencontrer en 2006 Hassan Nasrallah, chef du Hezbollah libanais, organisation classée « terroriste » par les Etats-Unis… ou à prendre la défense de l’universitaire Norman Finkelstein lorsque celui-ci fut violemment attaqué par le lobby pro-israélien aux Etats-Unis. Passons les innombrables preuves de courage politique depuis plus de quarante ans de cet actif militant (l’affaire des Cinq, le ViêtNam…), elles ne pèsent sans doute rien face à l’engagement politique récent de M. Soral.

Quant au 11 septembre, les positions de Noam Chomsky ne sont pas très éloignées de celles d’Alain de Benoist : doit-on en déduire que cela « situe le génial rebelle [De Benoist] au-dessous de Sharon Stone, de Jean-Marie Bigard et Mathieu Kassovitz » ? Ajoutons que si Alain Soral passe effectivement une demi-heure sur internet pour cerner chaque sujet qu’il analyse, on comprend mieux la pauvreté et le simplisme de certaines de ses conclusions !

En guise de conclusion


Le 13 juin 2004, dans l’émission Train Bleu sur la Radio Suisse Romande, interrogé au sujet des gens qu’il trouve bien, Alain Soral répond : « j’aime bien Serge Halimi, y’a les mecs du Monde diplomatique qui sont pas mauvais (…) y’a aussi les éditions de La Fabrique, un certain monsieur Hazan (…) y’a toujours deux trois mecs courageux (…) ».

Que s’est-il passé en six années pour que monsieur Alain Soral devienne si vindicatif à leur égard ? Car nous rappelons que c’est le Monde diplomatique qui a largement contribué à faire connaître Noam Chomsky dont il partage l’analyse géopolitique et l’analyse des médias.

En guise d’épilogue

Alain Soral prend souvent un malin plaisir à lancer des attaques ad hominem gratuites et méchantes : ceux qui sont ses cibles sont souvent moqués en raison de leur physique (Besancenot, Dantec, Pierre Menes, Elizabeth Levy, Anne-Sophie Mercier…). Il affectionne aussi particulièrement la psychologie (la psychanalyse) de comptoir qui lui permet d’expliquer tel ou tel parcours professionnel ou médiatique : c’est sa théorie (en partie fondée) du culturo-mondain qu’il fétichise à l’envi et, plus globalement, l’explication par la femme, à savoir le « cherchez la femme » des romans policiers qu’il applique à sa sociologie. Dernière victime en date : son maître à penser, le défunt Michel Clouscard, sur la tombe duquel il n’hésite pas à cracher (Flash n°38, 22/04/10, voir http://www.egaliteetreconciliation.fr/Bloc-notes-No38-3212.html). Et puis les attaques sous la ceinture : Ardisson ravalé au rang d’adorateur des négationnistes (les fameuses « annales ») tout comme Taddeï par association (c’est le sens du « formé par Ardisson », à savoir qui s’assemble se ressemble). Enfin, rappelons la putassière théorie de Soral concernant la mort de Cornelius Castoriadis qu’énonce Alain Soral au micro de Radio 103 le 23 août 2005 :

J’étais élève à l’EHESS dans les années 80, et j’étais dans son séminaire, un peu par hasard parce que quelqu’un m’avait dit que c’était pas mal. Et en fait à l’époque j’avais besoin d’avoir le statut d’étudiant pour des raisons presque de sécurité sociale et, entre autres cursus, j’avais fait les Beaux-Arts et l’EHESS.

Donc je m’suis retrouvé l’élève de Castoriadis qui m’a jamais, je dois le dire, impressionné. Je pense que c’était pas un mec très sérieux, il m’a jamais impressionné. J’en dirai pas de mal puisqu’il a eu une fin tragique, il s’est suicidé, donc…

C’est toujours étrange quand un vieux maître à penser comme ça se suicide. Je crois qu’il s’est peut-être pas remis de… soit c’est une histoire de femme soit il s’est pas remis de ses prédictions ridicules sur… Vous savez, parce qu’à l’époque il écrivait des bouquins où il prétendait que les Russes allaient nous envahir quand même…

C’était sa thèse des années 80, ca s’appelait Devant la guerre je crois, ou un truc comme ça, et il prétendait que les Russes, comme ils étaient au bord de l’implosion…

Donc il avait une analyse totalement fausse qui prouve bien qu’il avait une analyse très occidentalisée pour un marxiste, et un soi-disant communiste (…)

Pour information, Devant la guerre paraît en 1981 et Cornelius Castoriadis meurt le 26 décembre 1997, à l’âge de 75 ans, d’une maladie cardiaque ! Pas d’un suicide ! A quand une entrée Alain Soral dans son Abécédaire de la bêtise ambiante ?

En 1996, Cornelius Castoriadis publiait La Montée de l’insignifiance, montée de l’insignifiance confirmée la même année par l’éclosion médiatique d’Alain Soral. Ah, si seulement Castoriadis avait pu se tromper sur ce coup-là !

Si Alain Soral pense qu’on pourra « se passer de [Noam Chomsky] à nouveau pour les 25 prochaines années, (…) qu’ici on va pouvoir tenir ! », Saidchomsky pense pour sa part qu’il pourra se passer d’Alain Soral et d’Egalité & Réconciliation pour un long temps également.














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